« J’ai longtemps dit, à propos des objets du spectacle, que le rire n’était pas pris au sérieux. C’est la raison pour laquelle je n’arrivais pas à les inscrire dans une démarche institutionnelle, alors que la France abrite de nombreux musées de la guerre et du travail. »
– Jean Paul Favand
Une mise en scène innovante
Dans sa volonté de créer un lieu de mémoire dédié aux objets de la fête et du spectacle Jean Paul Favand s’est heurté aux carcans des muséographies traditionnelles. Or, il ne voulait pas d’un lieu empreint de nostalgie mais bien d’un lieu vivant, à l’image du Tribulum, bistrot-galerie et ses expositions spectacles, rendant hommage à l’atmosphère de la fête et à la fonction première de ces objets : offrir du rêve.
En découle une démarche de mise en scène des collections, Jean Paul Favand se considérant lui-même comme le chef d’orchestre d’une troupe d’objets-acteurs.
Dans un premier temps il a fallu sélectionner parmi sa collection, les objets forts, capables de faire vivre le lieu. Vient ensuite le travail de restauration dans le respect de l’existant et des standards de la conservation-restauration. Finalement le soclage et le travail de mise en lumière interviennent afin de sculpter le positionnement de l’objet, le dévoiler et guider l’œil du spectateur.
« Il s’agit de rendre la parole [à l’objet], de réveiller son expression, de saisir sa quintessence. »
Montreur de curiosités et marieur d’objets
A cette démarche, s’ajoute celle du mariage des objets, afin que ceux-ci interagissent non seulement avec les visiteurs mais aussi entre eux. Se crée ainsi une proximité entre le visiteur-spectateur et l’objet-acteur, proximité soulignée par l’absence de cartels et de vitrines. Cette scénographie invite le public à créer sa propre déambulation au gré de sa sensibilité et des objets qu’il découvre pour devenir lui-même acteur de sa visite.
« J’assimile ma démarche à celle des humanistes autodidactes de la Renaissance, époque des cabinets de curiosités dont la science passait par les évidences que pouvaient appréhender les sens (la vue, le toucher). Car la science des humanistes résultait de leur intuition et non de leur raison ».
Jean Paul Favand a cherché à concevoir un espace hors du temps. Le visiteur est invité à interagir avec les objets, à les toucher ; pour le transporter hors de son quotidien, comme l’étaient les populations des fêtes foraines de la Belle Epoque, et lui permettre de vivre l’instant.
Les ateliers de restauration : ressusciter la magie des objets
La sauvegarde et la restauration du patrimoine unique que représente l’ensemble de la collection Favand sont l’un des versants de l’activité des Pavillons de Bercy. Soutenue par des études historiographiques et muséographiques approfondies, une équipe de restaurateurs œuvre afin de rendre leur magie aux objets.
La restauration s’inscrit toujours dans une démarche muséographique. C’est ainsi que les collaborateurs des Pavillons de Bercy – documentalistes, experts, restaurateurs d’art, ainsi qu’un muséographe – ont analysé avec soin près de 29 000 documents, cartes postales, catalogues de fabricants d’objets forains, etc., en provenance de toute l’Europe.
Grâce à un travail minutieux, les restaurateurs professionnels font des miracles. Ils retrouvent les couleurs originales d’une fresque ou restituent les parties manquantes ou détériorées de sculptures et boiseries.
A titre d’exemple, le manège de vélocipèdes Caillebaut et Decanck de 1897 a nécessité plus de 20 000 heures de travail : il fallut refaire le mât central rongé par la vapeur, rentoiler les plafonds, renforcer les frontons dont le bois était vermoulu, gratter trois strates de peintures, l’une rouge doré, l’autre avec les initiales du forain, la troisième avec des paysages. Cette restauration a demandé l’intervention de plus de vingt métiers différents : restaurateurs d’art, peintres, sculpteurs, tourneurs, mécaniciens, dinandiers, bourreliers, selliers, ferronniers, machinistes…
Les moteurs centenaires de manèges n’ayant pas fonctionné depuis plusieurs dizaines d’année ont nécessité l’intervention des mécaniciens des Pavillons de Bercy. Ceux-ci ont recréé les pièces manquantes et reproduit celles endommagées afin de permettre aux manèges de tourner à nouveau. Un travail de spécialiste en somme, au même titre que celui des restaurateurs en peinture et en sculpture.
Les forains repeignaient leurs manèges régulièrement pour les rafraîchir et nous ont légué une ribambelle d’objets supportant parfois jusqu’à vingt repeints ! Scalpel en main, il faut parfois trois mois pour dépouiller un cheval des couches successives de peinture parasite et lui faire retrouver sa polychromie d’origine. Souvent, cela permet de dégager sa sculpture et de mettre à jour des reliefs disparus sous la peinture.
La conservation préventive et l’entretien des objets du musée réclament ainsi une attention permanente, assurée par plusieurs restaurateurs sous la conduite de Jean Paul Favand. Lors de l’ouverture sans réservation des Pavillons de Bercy à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine, nos restaurateurs sont souvent présents pour partager et échanger avec le public sur leur travail.
Une Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV)
Le label d’Etat « Entreprise du Patrimoine Vivant » est une marque de reconnaissance du Ministère de l’Economie, de l’Industrie et de l’Emploi, mise en place pour distinguer des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels d’excellence.
Les Pavillons de Bercy ont obtenu ce label en 2009 en raison de leur pratique d’un savoir-faire rare et en particulier pour la « restauration d’objets d’art et notamment des objets de la fête et du spectacle » et pour « restauration et montage de manèges forains : Collecte, documentation et restauration suivant les normes muséographiques ».
Ainsi, Jean Paul Favand a permis la sauvegarde d’un patrimoine oublié et la reconnaissance d’un art populaire.
Publié le : 09.01.17