Manèges, baraques et entresorts : aperçu du patrimoine forain

Les Manèges

Au fil du temps, la fonction commerciale des foires cède la place à la seule fonction de divertissement. Les attractions se développent et se diversifient, et l’on voit apparaître les manèges, les premiers divertissements à procurer des sensations physiques de vertige et de vitesse.

La Fête Foraine au début du XIXème siècle a démocratisé les manèges en proposant à un très large public de prendre place sur des carrousels de plus en plus imposants. Il faut toutefois rappeler qu’à l’époque, ce public était un public d’adultes ! Les sujets des manèges anciens sont donc de taille adulte. Apparus dans les années 20, ce n’est qu’après la Seconde Guerre Mondiale que les manèges enfantins se sont réellement développés.

a. Le carrousel-salon

La version extrême du genre fut la création au début des années 1880 des Carrousels-Salons : derrière une imposante façade, dont les dimensions dépassaient les 40 mètres de long et les 18 mètres de haut, un luxueux et vaste salon couvert pouvant atteindre 800 m² regroupait une salle de bal, une brasserie, une scène de spectacle, des attractions et un manège tournant.

Afin de pouvoir se représenter l’immensité de ces métiers couverts et fermés, il faut savoir que le transport d’un Carrousel-Salon demandait dix-huit wagons de chemin de fer de l’époque.
La salle du Musée des Arts Forains rend hommage à ces cathédrales laïques dédiées à la fête.

b. Le manège de chevaux de bois

Fortement enraciné dans l’inconscient collectif, le manège de chevaux de bois est emblématique de la fête foraine. Son origine remonte aux jeux de bagues qui eux-mêmes reproduisaient symboliquement les tournois du Moyen Age. Les manèges de chevaux de bois apparaissent dans la Fête Foraine vers la seconde moitié du XIXème siècle, entraînés alors par des hommes ou des chevaux, puis par des machines à vapeur et enfin par des moteurs électriques.

Grâce aux manèges de chevaux de bois on offrait à la population une possibilité de s’ennoblir en montant à cheval – privilège normalement réservé à la noblesse ou aux soldats. Plus tard, pour les plus jeunes enfants le tour de manège était également l’une des premières expériences d’aventure et de liberté : donner son ticket et donc payer, voir ses parents s’éloigner, prendre peur, puis les voir réapparaître au bout d’un tour et se rassurer.

Le manège exposé au Musée des Arts Forains est un modèle français pour adultes daté de 1900. Il rentre dans la grande tradition des manèges tournants à plancher suspendu et aux chevaux sauteurs. Douze chevaux alignés par rangée de trois donnent le mouvement à l’ensemble de la cavalerie. Ces chevaux sauteurs, dont la queue est en bois à la française, sont de la firme Limonaire. Ils sont encadrés par huit autres chevaux cabrés en majesté et richement harnachés, sculptés par l’atelier de Friederich Heyn. Le plafond, peint sur toile par Marius Coppier, décline sur douze tableaux l’idéal féminin de la Belle Époque. Les boiseries du fronton et du tour de mât sont l’œuvre du grand sculpteur forain belge Jules Moulinas. Tant de nationalités réunies dans un même métier font de ce manège un véritable objet européen.

i. Les sujets de manège

Le manège est un univers clos tournant sur lui-même, bâti sur un scénario à thème précis dans lequel le public spectateur est invité à devenir acteur.

La pluralité des thèmes proposés par les forains a donné naissance à une multitude de sujets de manège : chars et gondoles, chevaux de bois, animaux domestiques, sauvages ou fantastiques, personnages des dessins animés, vélos, montgolfières, avions, locomotives, voitures, motos ou encore bateaux.

1. Les animaux

Les animaux constituent une source d’inspiration majeure pour les artistes forains, en témoigne la grande diversité du bestiaire forain. Ces sujets de manège très variés témoignent du regard mais aussi de l’imaginaire populaire vis-à-vis du monde animal : des plus familiers comme les animaux de la ferme, aux plus sauvages tel le lion, sans oublier les animaux fantastiques issus de la mythologie, comme les licornes.

Avec l’expansion de l’Empire colonial, mais surtout l’organisation des grandes expositions universelles et coloniales, le grand public découvre un nouvel exotisme, et s’en montre rapidement très friand. Désireux de répondre au goût du public, les forains profitent de cette nouvelle mode pour introduire sur leurs manèges la faune sauvage des pays lointains à côté des animaux domestiques ou des forêts européennes.

Les fabricants s’inspiraient des animaux vivants présentés dans les ménageries ou utilisaient les documents iconographiques de l’époque. La représentation d’animaux domestiques est une spécialité des sculpteurs français. Les premiers manèges réunissaient des animaux d’une même famille sculptés d’une façon réaliste : vaches, cochons, coqs. Plus tard, ces animaux familiers furent mélangés à d’autres sujets. Pour introduire une note festive, ces sculptures très réalistes sont souvent agrémentées de faveurs, petits nœuds, voire de chapeaux.
Sur les manèges et les décors, figure parfois tout un bestiaire imaginaire emprunté à la mythologie : chimères et sphinx parés d’orfroi, dragons et diables cramoisis, griffons, licornes et pégases aux selles de velours, sirènes languissantes, centaures aux têtes de personnalités de l’époque. Dans le monde idéalisé que représente un carrousel, ce bestiaire fantastique introduit la légende et le mythe.

2. Les personnages de dessins animés

L’évolution de l’imaginaire populaire a été bouleversée dans les années 1920 par l’apparition du dessin animé. À cette époque, les droits d’auteur ne protégeaient pas les créateurs de dessins animés ou de bandes dessinées. Les forains ont immédiatement commencé à reproduire ces nouveaux personnages enfantins, devenus très connus du grand public.

Dès le succès d’un film, d’un dessin animé ou d’un album de bande dessinée, les forains transforment la décoration de leurs manèges destinés aux enfants en introduisant des nouveaux sujets comme Popeye, Mickey, Donald, Pluto, etc. De même un dessin de publicité crée par Benjamin Rabier a inspiré un sujet enfantin : «La vache qui rit ».

3. Le voyage et les transports

Le temps d’un tour de manège, tout devient possible : on peut s’aventurer sur les routes à cheval, à vélo, en voiture, en moto et en train ; on peut se lancer à l’eau et devenir matelot, canotier ou gondolier; on peut goûter l’ivresse de l’air en montgolfière et en avion ou côtoyer la lune et les étoiles à bord d’une fusée.

Chaque apparition d’un nouveau mode de locomotion suscite l’étonnement, depuis les trains, les voitures, les motos, les hélicoptères jusqu’aux fusées et soucoupes volantes. Toujours dans l’esprit de modernité, les forains ont largement utilisé ces découvertes pour rendre leurs manèges plus attractifs et ont contribué à les populariser. Dans la même année de l’invention de la bicyclette (1861), on voyait plus de vélos sur les manèges que sur les routes. (en savoir plus : « Les forains et la vulgarisation scientifique »)

Le Musée des Arts Forains possède un manège de vélocipèdes datant de 1897.

Il s’agit parfois de répliques réalisées dans un souci constant de réalisme et de véracité technique.

ii. Les gondoles

On distingue deux catégories : les chars et les gondoles proprement dites. Les chars évoquent les chars de parade des fêtes royales du XVIIIème siècle, dont les roues sont figurées ou remplacées par des pattes d’animaux. Les dernières, appelées gondoles vénitiennes par les fabricants, sont ouvertes, semi-couvertes ou fermées.
Les gondoles permettaient au public de monter en groupe sur le manège et lui assuraient un plus grand confort. Tous les styles de la sculpture foraine y sont représentés : du baroque à l’Art Nouveau.

iii. Les orgues de foire

Les ancêtres des orgues de foire sont les orgues de barbarie qu’utilisaient les chanteurs de rue au XIXème siècle.
Un des plus grands fabricants fut Limonaire qui, dès 1840, exporta ses orgues dans toute l’Europe. Sa marque devint si connue auprès du public qu’elle est devenue un nom commun désignant cet instrument de musique mécanique.
Les orgues de foire ont connu une constante évolution. Indépendants tout d’abord, ils intègrent les manèges en prenant place en leur centre, et accompagnent de leur musique les tours de manège. Puis ils s’agrandissent, voient le nombre de leurs touches se multiplier et deviennent de véritables orgues de danse, reproduisant le plus fidèlement possible le rendu d’un orchestre.

Au début, la reproduction musicale s’effectuait au moyen d’un rouleau de bois dans lequel étaient plantés des picots métalliques à la manière des boîtes à musique. Par la suite, le système de carte perforée inventé par Jacquard pour les métiers à tisser a été adapté à ces orgues de musique mécanique.

c. Les balançoires

Avec les jeux de Bagues, les Balançoires sont les plus anciennes attractions de la Fête Foraine. Leur simplicité d’utilisation et de fonctionnement ne nécessitant aucune énergie motrice a favorisé leur prolifération. La mécanique est minimale et robuste : les bateaux sont accrochés à un chevalet de bois et peuvent s’arrêter grâce à un système de frein qui agit par frottement en dessous de chaque bateau.
Sous Napoléon III, avec les chevaux de bois, les balançoires ont été utilisées dans les squares comme mobilier urbain.
Le modèle présenté au Musée des Arts Forains est un manège de balançoires pour adultes et enfants de la firme allemande Bothmann daté de 1920. Le décor principal, constitué de six grands panneaux peints, évoque Venise avec ses gondoles, canaux et palais, ainsi que des scènes symboliques sur le thème de l’eau. Cette thématique des peintures, liée au mouvement pendulaire des barques, suggère le voyage sur l’eau.

Ce manège est exemplaire de la vie tumultueuse d’une attraction foraine : les peintures du plafond datent de 1920, celles du fond sont de 1945 et tous les encadrements et les barrières ont été peints en 1960.

Les Baraques Foraines

a. Les cibles de tir

Les jeux sur la foire permettent au public de se défouler, d’exercer son adresse, de tenter sa chance et de provoquer le hasard. Les cibles font partie des jeux d’adresse et se répartissent en quatre catégories :

i. Les cibles mécaniques

Il s’agit de tableaux animés dont le fond figure le contexte (un intérieur, un cabaret, un atelier) où vont évoluer les personnages articulés, en tôle découpée qui, mis en situation, précisent une action : une rixe, le travail du cordonnier, les acrobates… Leur mécanisme peut comporter jusqu’à douze mouvements coordonnés entre eux. D’autres n’ont qu’un seul mouvement, de basculement ou de rotation. Sur le plan mécanique, leur fabrication est artisanale, mais la peinture est confiée à des artistes professionnels qui individualisent chacune d’elles.

ii. Les tirs-salons

Ces cibles prennent la forme de boîte, dont le joueur doit ouvrir la porte. A l’intérieur, un mécanisme, souvent complexe, anime des automates qui reconstituent alors des scènes populaires : mariage, scène de bal, dispute conjugale. Certaines de ces boîtes peuvent également être pourvue d’un éclairage électrique et d’un phonographe.

iii. Les boîtes de tir mécaniques

Cette catégorie plus populaire de cible à porte est proche du jouet mécanique. Derrière la porte d’une boîte, on découvre une scène animée par des figurines découpées et peintes. Leurs thèmes sont souvent humoristiques: “comment on se chauffe”, “un bon ménage”, “la nuit de noces”…

iv. Les porte-pipes

Ils sont constitués par des figurines représentant des animaux, des clowns, etc. On y fixe sur des supports des petites pipes de porcelaine qu’il s’agit de faire voler en éclats pour gagner le lot.

b. Les jeux de massacre

Les massacres sont bien plus qu’un jeu d’adresse : ils sont un jeu de pur défoulement. Très interactif, l’appel à la participation est renforcé par l’utilisation des grands archétypes populaires, tel le gendarme, le cocu, la belle-mère, les Prussiens…
Les têtes grimaçantes ou triviales représentent l’imaginaire, les peurs et les fantasmes d’une époque, et les types sociaux sont caricaturés avec une ironie grinçante. Les massacres sont sculptés dans des bois de sapin ou tilleul, leur peinture est toujours réaliste. Au même titre que les cibles, les massacres sont très proches de l’art brut.

c. Les loteries et jeux de hasard

Si la voyance prédit la fortune, les loteries et jeux de hasard la rendent accessible. La qualité de fabrication de ces jeux, leur décor, le bagout du bonimenteur, semblent devoir détourner l’attention du public de la modicité des lots proposés à sa convoitise : porcelaines de foire, chromos, statues en plâtre, poupées, peluches…
La loterie a été déclinée sous de multiples formes. Si la roue de la chance reste le principal symbole de la loterie, il existe une variété de jeux mécaniques dont la désignation des gagnants ou des perdants est tout aussi aléatoire. C’est le cas des courses de chevaux, mât de cocagne, jeux de chemin de fer, ou encore machines à sous.

d. Les confiseries

Les marchands de douceurs, avec leurs croustillons hollandais, gaufres bruxelloises et autres cochons en pain d’épices étaient déjà présents sur les foires du Moyen Age. L’esthétique raffinée des confiseries et les odeurs alléchantes qu’elles dégagent participent pleinement à l’atmosphère de la Fête.
Traditionnellement, les produits sont fabriqués sur place, comme les pralines, le pain d’épices, la guimauve, les pommes d’amour, la barbe à papa, ou les crêpes. Des spécialités régionales, tels les nougats de Montélimar, les berlingots de Carpentras ou les bêtises de Cambrai viennent compléter les vitrines.

Regroupés en allées sur le champ de foire, les décors et l’installation des confiseries redoublent de luxe : les façades majestueuses et la profusion des miroirs rappellent les pâtisseries viennoises ou les salons de thé de la bourgeoisie; les présentoirs, les vitrines cuivrées, les bocaux et les manettes en porcelaine inspirent le faste et la confiance dans la propreté et l’hygiène de l’établissement.

e. La voyance

Le monde forain est très proche du monde tzigane, dans lequel la divination est l’activité dévolue aux femmes. Appelées “Somnambules” sur les foires, ces diseuses de bonne aventure utilisaient des techniques divinatoires très diversifiées : boules de cristal, lignes de la main, marc de café, jeux de cartes et autres formes de mancies qu’elles ont popularisées.
Suivant leur renommée et l’importance de leur clientèle, elles officiaient dans des roulottes ou de luxueux cabinets ambulants.
Pour un certain public, plus craintif, les forains conçoivent des machines qui dédramatisent le contact avec l’inconnu et reproduisent les rituels divinatoires par des artifices mécaniques.

Spectacles & divertissements

a. Les marionnettes

Le théâtre de marionnettes est parmi les plus anciens et traditionnels spectacles de la Foire. Originellement, ils représentaient des sujets religieux ou des personnages d’épopées chevaleresques comme la Chanson de Roland. Au XIXème siècle, le répertoire se diversifie, présentant aussi bien des pièces classiques que des pochades populaires comiques ou mélodramatiques.
La fameuse troupe anglaise des «Pajot Walton’s» produira des spectacles tirés de répertoires très variés avant de s’orienter définitivement vers le music-hall.
Différentes techniques de manipulation sont utilisées : marionnettes à gaine, marionnettes à tringle et marionnettes à fil.
Les décors très variés sont peints sur des toiles de castelets complétées par des pendrillons. Leurs peintures très soignées sont à l’échelle des figurines.

b. Le Théâtre mécanique forain

Ancêtres du cinéma, les spectacles de théâtre mécanique rendaient compte de l’actualité au public des foires. Ces théâtres se composent d’imposantes toiles peintes pour décor, de marionnettes, mais aussi d’automates mécanisés, d’effets sonores et de musique, et de projections de lanterne magique. Toute cette structure nomade digne des plus grands théâtres était mue par plusieurs machinistes.
Les théâtres mécaniques présentaient un spectacle totalement novateur à un public toujours plus friand de nouvelles formes de divertissement.


Publié le : 09.01.17

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