Candidature de la fête foraine à l’Unesco ?

Patrimoine

La culture vivante de la fête foraine et l’art des forains candidats à l’Unesco

C’est officiel, depuis fin mars 2021, un dossier de candidature belge et français a été déposé pour faire inscrire sur la liste représentative du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Unesco « la culture vivante de la fête foraine et l’art des forains ».

Leurs Excellences, Mme Véronique Roger-Lacan, Ambassadrice, Déléguée permanente de la France auprès de l’Unesco et Mme Régine Vandriessche Ambassadrice, Déléguée permanente de la Belgique auprès de l’Unesco ont signé ce dossier de candidature le 29 mars 2021.

Aux Pavillons de Bercy, en particulier dans l’espace appelé Musée des Arts Forains, Jean Paul Favand fait revivre les fêtes foraines de la Belle Epoque. Cette tradition itinérante et éphémère, reposant en grande partie sur l’oralité n’est plus visible une fois démontée. Jean Paul Favand a créé un lieu vivant afin de présenter la richesse de ce patrimoine.

Cette culture traverse les époques et c’est pourquoi la culture vivante de la fête foraine et l’art des forains nécessitent d’être reconnus en tant que Patrimoine Culturel Immatériel. Cette nécessité est d’autant plus prégnante de nos jours, en pleine crise sanitaire où, sans activité, le monde de l’art forain et ses acteurs sont moins visibles.

La réalisation du dossier

Les volontés de candidater étaient nombreuses en Europe et ont donné naissances à des initiatives simultanées d’où l’intérêt de déposer une candidature multinationale. La réalisation du dossier est extrêmement normée avec pour première règle le fait que l’élément doit avoir fait l’objet d’une inscription dans son propre pays avant de pouvoir prétendre candidater à l’Unesco.

En 2019, la démarche de candidature pour la « La Culture vivante de la fête foraine et l’art des forains » est donc officiellement lancée et implique les communautés de pratique de deux pays ayant inscrit l’élément à titre national, la Belgique et la France.

Cette candidature est portée par les forains, qu’ils soient membres de syndicats, d’associations ou non, par des scientifiques, des institutionnels, des élus et surtout par le public. Le dossier a été complété par de nombreuses lettres de personnalités et d’anonymes adressées en soutien de cette candidature.

Le comité de pilotage créé regroupe, pour chacun des deux pays, des représentants des communautés de porteurs de l’élément et de leur fédération professionnelle et des représentants des services administratifs chargés de la mise en œuvre de la Convention UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI).

Réunion du comité de pilotage de la candidature en février 2020 au Magic Mirror des Pavillons de Bercy

Le dossier de candidature comprend un formulaire de candidature principal et de nombreuses pièces comme des photographies, des lettres de consentement, des extraits des fiches d’inventaire à l’échelle nationale et un film didactique.

Nous avons participé activement à ce dossier sur lequel notre responsable des collections, Eloïse Galliard, a travaillé l’équivalent de deux jours par semaine durant deux ans en tant que coordinatrice. Ce travail consiste en centraliser les données collectées, assurer la communication entre les différentes entités du comité de pilotage, reprendre les notes du comité et les reporter dans le dossier et surtout faire en sorte que les délais soient tenus par tous.

La richesse de la culture vivante de la fête foraine et de l’art des forains

La culture vivante de la fête foraine, de par son histoire importante dans les pays européens, regroupe de nombreux éléments. La foire, rassemblement itinérant en plein air, en est l’élément central. Traditionnellement, chaque année à la même date, des forains indépendants se réunissent dans les centres-villes ou en périphérie, et installent leurs « métiers » : manèges, stands proposant une cuisine spécifiquement foraine, jeux d’adresse et de hasard, spectacles. Dans chaque pays, certaines fêtes, importantes et récurrentes (comme la Foire du Trône en France) peuvent être vues comme une combinaison de fête nomade et sédentaire.

Les forains voyagent de foire à foire, en accord avec des procédures administratives définies localement. Le début de la saison, l’ouverture de nouveaux stands ou manèges, le début des rassemblements donnent lieu à des traditions festives spécifiques, telles que le défilé des bannières des associations foraines. Durant les tournées, de véritables petits villages se construisent provisoirement à l’intérieur des villes. Chaque forain voyage en famille, avec plusieurs caravanes, certaines transportant du matériel, d’autres dédiées à l’habitat. Pour la plupart des forains, ces villages temporaires sont les lieux où ils passent la majeure partie de l’année, dans les caravanes, derrières les manèges et les stands. Les forains préparent la nouvelle saison à partir de leur « chantier d’hiver ».

Une fois la fête ouverte, une porte invite les visiteurs à pénétrer gratuitement dans un espace géométrique, structuré par des allées formées de stands, et à participer enfin au spectacle de la fête foraine : musiques émanant de chaque stand, forains haranguant les foules, odeurs alléchantes… Tout est fait pour déboussoler le visiteur et l’inviter dans un autre monde, un monde avec ses spécialités culinaires, sa population et son système monétaire : le ticket de manège. Le visiteur n’est pas un simple spectateur, il est encouragé à prendre part, de façon active, au spectacle.

Les fêtes foraines séduisent les gens par leur aspect chatoyant. Les stands et les manèges sont continuellement restaurés par les forains, leur donnant un aspect vintage ou plus futuristes, évoquant des lieux ou des thèmes exotiques et imaginaires.

Certaines attractions, comme les carrousels ou les grandes roues, s’adressent à un public familial ou exclusivement aux enfants. Des attractions plus puissantes, aux normes de sécurité élevées, procurent des sensations physiques intenses. Inconsciemment, les visiteurs peuvent expérimenter la science en action : gravité, élan et frictions sont mis en œuvre pour conduire des montagnes-russes. À certains moments, les notions de temps et d’espace semblent être dépassées. Mais tout ce divertissement est sécurisé et sous contrôle, ce qui contribue au bien-être des visiteurs, qui ressentent des « frissons ».

Quelle est la vie du dossier après dépôt ?

Le dossier fait l’objet d’une évaluation durant plusieurs mois dans le but d’éclairer le comité Intergouvernemental. Pendant cette période, le comité de pilotage peut être amené à fournir des pièces complémentaires. Nous devrions apprendre d’ici fin 2021 si le dossier est retenu pour la sélection ou bien s’il est placé sur liste d’attente pour l’année suivante.

A partir de ce moment débute la phase d’évaluation par l’Organe consultatif, jusqu’à la fin de l’été environ. Ensuite, les dossiers candidats sont transmis aux membres du Comité, quatre semaines avant l’examen qui a lieu en novembre 2022. Les résultats seront annoncés en décembre 2022 !

Et la baguette dans tout ça ?

La France sera représentée dans plusieurs dossiers cette année. En effet, notre pays ne peut déposer qu’une seule candidature nationale devant l’UNESCO tous les deux ans mais elle peut être présente dans des dossiers multinationaux. Pour ce cycle 2021-2022, la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot -Nardin, après avoir examiné attentivement les trois projets de candidature français, a porté son choix sur les « savoir-faire et la culture de la baguette de pain ».

Les autres dossiers multinationaux dans lesquels la France est présente pour ce cycle sont les « Fêtes de l’Ours », candidature binationale Andorre et France et « Tocati, un programme partagé pour la sauvegarde des jeux et sports traditionnels », candidature multinationale : Italie, Croatie, Chypre, Belgique et le France.